Il y avait du soleil ...
J’ai mis mon MP3 dans mes oreilles, et je suis sorti. J’ai dessiné le contour de ma main sur la terrasse à l’aide d’un caillou. J’ai caressé l’herbe comme on caresse un chat. J’ai ramassé des branches que j’ai mis en tas. J’ai couru un peu partout. J’ai un peu joué avec le chat. J’ai fait une photo de mes chaussures/chaussettes avec mon GSM. J’ai arrosé le petit jardin et le gazon entier tant qu’à faire. J’ai raté mon coup et je me suis renversé les ¾ de l’eau dessus. J’ai ri. Après, j’ai été faire du vélo, toujours en musique. J’ai été voir les nouvelles maisons, les nouvelles rues, les nouveaux gens. Même le bois a été grillé, scié, rangé. On dirait que mon enfance s’efface. Comme si les empreintes que mes pas avaient jadis laissés étaient effacées par une nouvelle vague. Je me suis imaginé aller frapper à leur portes ; pour leur expliquer : « Là, avant, il avait le champs où j’aimais courir. Parfois, j’y allais avec mon chien ( qui est mort ( décidément )) et il s’énervait parce qu’il n’arrivait pas à attraper les lapins. Parce que oui, il y avait une famille de lapins. Je trouvais ça génial, une famille de lapins juste en face de mon école » ou bien « Là, c’était une route de campagne où ne passait que quelques tracteurs. Quand j’étais trop triste pour respirer, j’y allais. Je regardais le paysage en inventant des choses, pendant des heures. » ou encore « Là, c’est le bois, l’unique bois du village, celui où j’ai fumé ma première cigarette. Celui où on avait construit une cabane. Celui où j’ai échangé mon premier baiser sur la bouche ». Je me suis imaginé conclure : « Et tout cela vous l’avez détruit. Vous avez tué la famille de lapin si extraordinaire pour bâtir votre nouvelle et immonde maison. La même que toutes les autres. Une de celle qui n’a pas d’âme. Vous avez dénaturé ma belle route de campagne, vous avez rasé son paysage à votre profit. Vous avez abattu tous les arbres de mon bois, des arbres bien solides et bien vivants. Mes souvenirs survivront-ils ? Est-ce que ça vous a effleuré l’esprit ? ». Je me sens comme un Indien mais je suis juste un Idiot. Les choses changent, évoluent et renaissent. Je me demande quand-même où les enfants de demain trouveront un champs où aller promener leur chien, une route de campagne isolée où ils pourront enfin laisser libre court à leur imagination ou simplement un bois où tout serait permis. Voilà. Ca me touche, vraiment. C’est parce que c’est simple que c’est authentique. C’est profond. Je suis rentré avec « Dear God I Hate Myself » de Xiu Xiu, et le désarroi dans lequel je me trouvai correspondait magnifiquement à cette chanson. Je suis allé ranger le vélo, je me suis laver les cheveux puis j’ai étudié math. Mais j’avais toujours cette sale phrase en tête « I’ll never be happy here … »